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Lys
Reygor, "Collages alléatoires" _ détail
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Texte du catalogue
de l'exposition Visions et Création dissidente, cru 2011 au Musée
de la Création Franche
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Bienvenue
à Lys Reygor-land
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Lys
Reygor aime les rencontres improbables, donc les surprises. Ses moments
d'étonnement accumulent les niveaux de réalité, façon
marabout-bouts de ficelles à chat-peau. Et multiplient les lectures,
pour mieux partager des regards de biais, toutes ses révélations
sous-jacentes.
Derrière
l'agitation de premier plan, qui capte, son art est un savant funambulisme,
gorgé de lignes de fuites. Logique qu'ils soit peuplé de
personnages déséquilibrés à crânes ricanants,
d'une armée d'animaux fantasmagoriques et de présences, tout
à tour angoissantes ou attendrissantes ; toujours inattendues. On
trouve ici du surréalisme flamboyant, des images à Dada,
des enluminures XIXème... toute une pratique de la théorie
des nuages, du cadavre exquis et du geste automatique. Et chaque tableau
a son pouvoir d'hypnose.
On
sent chez la démiurge, une volonté de dé-hiérarchiser
les notions de beauté et les habitudes de représentations.
Ca grouille et farfouille profond. Tandis que des objets du quoditien surgissent
inopinément, façon batterie de cuisine qui se mue en casserole-guitare.
Comme ces mots qui se retrouvent en apesanteur picturale, parmi poils à
gratter l'esprit, sirène de BD fin-de-siècle, jambes carnivores
et salière hantée. Les merveilles d'Alice ne sont pas loins,
paradant avec coquettes et galants hommes, lapins fripons et félidés
rieurs. Mais attention, malgré baldaquins et scènes de séduction,
une reine gore habite le château. Et puis une Babel rougeoie, l'autre
bleuit, quand la troisième n'a plus de couleur dominante. Une encore
se trouve découpée dans le bois, la suivante irridiée
en rose et vert... Il n'y aura pas de série ici.
Parmi
ces folles juxtapositions, de dessins collés, croquis préparatoires,
griffonages et découpages, des indices reviennent : roses romantiques,
coeurs pirates, visages qui se guettent, bestiaire familier, couples et
quolifichets. Aux présences humaines, se rajoute une douceur féline
et une dimension végétale. Surgit ainsi une sorte de généalogie
intérieure, que Lys sature et enlumine. La vie démantibulée
d'espèce rare, reprend corps, dans son onirisme singulier. Comme
une floraison existentielle, riche de polysémie sensuelle, d'une
féérie hantée, fichement surchargée, mais sans
grand espoir d'atteindre la satiété... On devine ici le transitoire
de l'oeuvre en mouvement et le jeu sur le hasard, tour à tour traqué,
puis déjoué, et humainement repoussé par l'artiste.
Son
univers fécond se joue des apparences morcelées, faisant
voir les images nouvelles et luxuriantes, d'une famille certes de freaks,
mais bel et bien recomposée. Dans ces toiles-tapisseries baroques,
peuplée d'habitants aux moeurs fantasques, le fantastique de Lys
Reygor nargue la réalité, tout en la laissant pénétrer.
Et ses tableaux sont comme des bribes d'enfance exhumée près
des sursauts d'aujourd'hui, les fulgurances d'une déliquescence
refusée ; puisqu'ici, même les enseignes sont redessinées...
Ses
tranches d'imaginaire se rejoignent, pour parler la même langue visuelle
d'une vie en vrac, avec des ornements de toutes origines et de tous temps.
Car malgré matières disparates, visions spontanées
d'horreur et personnages symbolistes à contre-courant, elle nous
dévoile les liens singuliers, que tisse au fil des fresques, son
sens aiguisé de la liberté.
La
mort y danse près du poulet rôti, et tels des instants de
délice fuyant, son précieux puzzle visionnaire, est une invitation
à l'abordage d'un nouveau continent.
Ses
toiles ressemblent à des souvenirs de voyage dans un absolu perso,
la main tendue et le coeur battant.
Patrick
Scarzello
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détail
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